Dans une étude publiée le 25 juin 2024 dans la revue PNAS, Jonathan Gula, océanographe physicien au laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS) et membre de l'institut universitaire de France (IUF), et ses collaborateurs, se sont intéressés à une composante peu étudiée de l’océan : l’impact des monts sous-marins sur la circulation océanique, et donc potentiellement sur le climat !
Les 3 points à retenir :
- Cette étude est l’une des premières à explorer l'influence des monts sous-marins sur la circulation océanique ;
- Les monts sous-marins sont des acteurs clés dans la remontée des eaux profondes et le brassage des eaux océaniques ;
- Au vu de l'impact global des monts sous-marins, il est nécessaire de les intégrer dans les modèles de circulation océanique et les modèles climatiques.
Les fonds marins ne sont pas des étendues lisses et plates, mais sont constitués de relief et parsemées de monts sous-marins. Le nombre total de monts sous-marins est aujourd’hui inconnu, mais pourrait atteindre plusieurs millions.
Même si la théorie indique que les monts agissent sur les courants en générant des vagues et des tourbillons, l’impact des montagnes sous-marines sur la circulation océanique était jusqu’à présent méconnu et même négligé. L’étude menée par Jonathan Gula et son équipe vient combler ces lacunes. Pour mener leurs analyses, ils utilisent une base de données qui recense environ 25 000 monts de plus de 100 mètres de hauteur, certains atteignent jusqu’à 1 kilomètre de haut.
La circulation océanique
L’océan est balayée par de multiples courants, de taille et de forme différentes, à sa surface comme en profondeur, qui participent au brassage et au mélange des eaux marines. Ces courants jouent un rôle clé dans la régulation du climat, en assurant le stockage et le transport de chaleur et d’éléments physiques (sel, nutriments, carbone…).
Les recherches menées depuis des dizaines d’années ont permis d’acquérir des connaissances et une compréhension solide des mécanismes à l’origine de ce mélange (vents, marées, géothermies du plancher océanique), à grande et à petite échelles.
Après une description mathématique des flux d’eau au contact des monts sous-marins, des simulations réalisées dans trois zones géographiques distinctes ont permis de confirmer la théorie : les tourbillons sont très répandus autour des monts sous-marins. Ces tourbillons ont différentes caractéristiques physiques de forme et d’échelle, mais tous contribuent au mélange vertical des eaux.
En appliquant ces résultats à un ensemble de données mondiales sur les monts sous-marins, l’étude démontre que le mélange généré par les monts sous-marins contribue de manière significative à la remontée des eaux profondes vers la surface. Ces mélanges sont essentiels pour la diffusion des particules physiques de l’océan, et peuvent être plus intenses dans certaines régions que ceux provoqués par les marées
Cette découverte souligne la nécessité d'intégrer les effets des monts sous-marins dans les modèles de circulation océanique à l’échelle mondiale. En mettant en lumière cet aspect précédemment négligé, l'étude ouvre la voie à des représentations plus précises de la dynamique des océans et, en fin de compte, à une meilleure compréhension du système climatique complexe de la Terre, tel que la distribution de chaleur ou de carbone.
Projet DEEPER
Cette publication est issue du projet de recherche DEEPER, financé par l’agence nationale de la recherche (ANR) et coordonné par Jonathan Gula.
Le projet DEEPER s’intéresse aux impacts de la turbulence de sous-mésoéchelle profonde, soit des petites structures (entre 0,1 et 10 km) au fond des océans, sur la circulation océanique, notamment dans le contrôle des flux de chaleur et de carbone.
Pour en savoir plus