Instaurée en 1999 par l'ONU, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre, est un moment clé de mobilisation. Dès le 21 novembre, l'UBO, engagée depuis plusieurs années dans cette lutte, organise une série d’événements pour informer, sensibiliser et faire évoluer les mentalités. L’occasion de faire le point sur les démarches conduites par l’UBO en matière de recherche, de formation, d’information et de prévention autour des violences faites aux femmes.
Malgré une prise de conscience progressive et une mobilisation importante ces dernières années, les violences à l’égard des femmes s’exercent toujours à des taux alarmants. En France, plus d’une femme sur deux et plus de six jeunes femmes sur dix ont déjà été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle au moins une fois dans leur vie.
L’objectif de cette journée de sensibilisation qu’est le 25 novembre est donc multiple : sensibiliser, éduquer, mobiliser, soutenir les victimes et faire bouger les lignes. Les violences à l’égard des femmes ne sont pas inéluctables et leur prévention est essentielle.
Selon l’OMS, la violence “compte parmi les défis de santé publique et se définit comme étant la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal développement ou une carence.”
Dans sa Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les Nations Unies définissent la violence à l’égard des femmes comme “tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.” (source : Recueil des règles et normes de l’Organisation des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale)
La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique indique quant à elle que “la violence à l’égard des femme doit être comprise comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée”. (source : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique)
Parmi les différents types de violence à l’égard des femmes, on trouve la violence physique, la violence verbale, la violence psychologique, la violence économique, la violence sexuelle, les violence conjugales, les violences obstétricales et gynécologiques ou encore la violence institutionnelle. Les violences faites aux femmes ont lieu dans tous les domaines de l’existence, que ce soit au travail, au sein du couple, en famille, à l’école, dans la rue, à l’hôpital, dans les transports ou bien en ligne (internet et réseaux sociaux). Du viol au harcèlement de rue, du mariage forcé aux mutilations génitales, du trafic d’être humain au harcèlement sexuel, les violences faites aux femmes sont multiples et protéiformes.
Les violences faites aux femmes sont interdites et punies par la loi.
En savoir + : https://arretonslesviolences.gouv.fr/l-etat-vous-protege/comment-l-etat-me-protege
https://www.vie-publique.fr/eclairage/19593-la-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes-etat-des-lieux
Les chiffres clés
- Au 23 octobre 2024 on dénombrait 111 féminicides depuis le début de l'année en France (source : https://www.noustoutes.org/mur-femmages-2024/)
- En 2023, 271 000 victimes de violences conjugales ont été recensées par les forces de sécurité, soit une hausse de 10% sur un an. 64% des violences conjugales enregistrées par les services de sécurité sont des violences physiques, 31% sont des violences verbales ou psychologiques et 4% sont des violences sexuelles. 85% des victimes enregistrées par les services de sécurité sont des femmes et 74% ont entre 20 et 45 ans. 86% des mis en cause sont des hommes. (source : https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/violences-conjugales-enregistrees-par-services-de-securite-en-2023)
- 1 femme sur 4 victime de violences conjugales a moins de 25 ans et 89% des affaires signalées concernent des femmes avec enfant. (source : https://fondationdesfemmes.org/chiffres-des-violences-conjugales/)
- 1 femme sur 3 dans le monde est victime de violence physique et/ou sexuelle au cours de sa vie (source : https://www.who.int/fr/news/item/09-03-2021-devastatingly-pervasive-1-in-3-women-globally-experience-violence)
- 29% des femmes victimes de harcèlement sexuel déclarent que la violence a eu lieu dans un cadre professionnel (source : https://arretonslesviolences.gouv.fr/sites/default/files/2024-03/Lettre-Observatoire-national-des-violences-faites-aux-femmes-Miprof-Mars-2024.pdf)
- Selon le baromètre 2023 des violences sexistes et sexuelles (VSS) dans l’enseignement supérieur, près d’1 étudiante ou étudiant sur 10 (9%) déclare avoir été victime de violence sexuelle depuis son arrivée dans l’enseignement supérieur, 1 étudiante ou étudiant sur 20 déclare avoir déjà été victime de harcèlement sexuel, et 1 étudiante ou étudiant sur 10 en avoir déjà été témoin ; 17% des étudiant·es ont déjà été témoins d’exhibition sexuelle.(https://www.uca.fr/medias/fichier/rapport-resume-barometre-2023-des-violences-sexistes-et-sexuelles-dans-l-enseignement-superieur_1684850461461-pdf)
- 5% seulement des victimes de violences sexuelles portent plainte (source : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/chiffres-de-reference-violences-faites-aux-femmes)
- En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui au cours d'une année sont victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles est estimé à 217 000 femmes. (source : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/chiffres-de-reference-violences-faites-aux-femmes)
- On estime qu'au début des années 2010, la France comptait environ 125 000 femmes adultes ayant subi des mutilations sexuelles. (source : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/chiffres-de-reference-violences-faites-aux-femmes)
Les violences exercées à l’encontre des femmes sont très majoritairement commises par des hommes (source : https://fondationdesfemmes.org/chiffres-des-violences-conjugales/) :
- Près de 9 fois sur 10, les auteurs de ces violences sont des hommes
- Près de 9 fois sur 10, les victimes de ces violences sont des femmes
- 97% des demandes d’ordonnance de protection sont présentées par des femmes.
En savoir + :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763591?sommaire=5763633
https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047799?sommaire=6047805
L’UBO participe activement à la lutte contre les violences faites aux femmes depuis 2012 avec la mise en place de la mission Égalité Femmes-Hommes. En 2016, l’UBO s’est associée à l’Institut national d’études démographiques (INED) pour réaliser une enquête sur les modes de vie et la santé des étudiantes et étudiants, dans le cadre du volet Virage Universitaire de l’enquête Virage (Violence et rapports de genre). Seules trois autres universités avaient mené cette étude à cette époque, les universités de Paris 1, Paris 7 et Strasbourg.
A l’UBO, la consultation a été réalisée entre janvier et avril 2026 par une équipe scientifique, dirigée par Arlette Gautier, professeure de sociologie, et soutenue par la Direction des études et de la vie étudiante (DEVE) de l’Université et la Mission égalité femmes-hommes, ainsi que par d’autres services de l’UBO.
Le questionnaire interrogeait les situations de violence, dans leurs multiples formes, dans les différents espaces de vie en s'attachant ici à l’ensemble de la population étudiante. Les résultats ont été présentés à l’occasion de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes en novembre 2017. Les 1395 réponses reçues ont permis d’établir des statistiques représentatives de la situation des étudiantes et étudiants de l’UBO.
Ainsi sur l’ensemble des répondants :
- 11,2% dénoncent des propos ou attitudes à caractère sexuel
- 6,6% dénoncent des propositions sexuelles insistantes
- 0,3% dénoncent avoir subi des agressions sexuelles
Les femmes sont 2 à 3 fois plus concernées que les hommes par des faits de harcèlement ou d'agression. Au contraire, les auteurs sont majoritairement des hommes (1000 cas), ceux-ci agressent autant des hommes que des femmes. Les femmes aussi peuvent être autrice de violence (200 cas), et elles harcèlent surtout des hommes.
Les auteurs de harcèlement à l’université sont :
- à 59% étudiants de l’UBO
- à 6% enseignants
- à 5% personnels administratif
- et à 29% en dehors de l’université
À la suite de cette étude, un dispositif de lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles (VSS) a été mis en place en 2017.
Cette cellule d’accueil, d’écoute et d’accompagnement s’adresse à tous les membres de l'université : étudiants, doctorants ou personnels, victimes, proches ou témoins.
En savoir + : https://www.univ-brest.fr/fr/page/luttes-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles-vss
Parce qu’il est impératif pour l’UBO d’incarner fortement ses valeurs d’égalité entre les femmes et les hommes, et de poursuivre sa démarche active de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le Président de l’UBO a nommé, lors de sa réélection au printemps dernier, une vice-présidente dédiée à ces sujet majeurs.
Depuis sa prise de fonction, Dorothée Guérin a déjà mis en en place des actions concrètes visant à informer, sensibiliser, accompagner et protéger les étudiantes et étudiants. Depuis la rentrée 2024, un module en ligne obligatoire d’information et de prévention des VSS a ainsi été mis à la disposition de tous les étudiantes et étudiants de licence et de master sur l'ENT. Il est obligatoire pour les étudiants et les étudiantes de première année de licence. Objectifs : informer, sensibiliser mais aussi changer en profondeur les comportements via des vidéos présentant et analysant des situations concrètes de la vie étudiante, des quiz, et des interviews d’expertes. Ce cours en ligne est divisé en 7 chapitres : la procédure disciplinaire ; les différentes infractions ; le consentement ; les VSS en milieu étudiant ; victimes et témoins de VSS ; sociologie des VSS ; rôle des associations étudiantes. Ce module a été financé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), dans le cadre du Plan national de lutte contre les VSS 2021-2025. Il a déjà été mis en place avec succès dans certaines universités et écoles.
Dans le cadre de ses actions visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, des affiches et des violentomètres de la Région Bretagne ont été distribuées à l’ensemble des composantes de l’UBO. Ces supports sont autant à destination des étudiantes, étudiants que des personnels : ils sont positionnés sur des lieux de passage, qui incitent à la lecture mais aussi aux échanges.
Le violentomètre est un outil de prévention et de sensibilisation conçu pour aider les individus à identifier et à évaluer les signes de violence dans leurs relations. Présenté sous forme d’échelle ou de thermomètre, il permet de situer différents comportements sur un spectre allant de comportements sains et respectueux jusqu’aux actes de violence graves.
L’outil est divisé en plusieurs zones de couleur, chacune représentant un niveau de gravité :
- Zone verte : comportements sains ou acceptables dans une relation.
- Zone orange : comportements préoccupants, qui peuvent signaler un manque de respect ou des tentatives de contrôle.
- Zone rouge : comportements dangereux, représentant des formes de violence psychologique, physique ou sexuelle, nécessitant une prise de conscience immédiate et, souvent, un besoin d’aide.
Le violentomètre est couramment utilisé dans les campagnes de prévention et de sensibilisation pour aider les jeunes et les adultes à mieux reconnaître les signes de violence, à comprendre que certains comportements ne sont pas acceptables, et à savoir où trouver de l’aide si nécessaire.
L’UBO a été l’une des premières universités à s’engager spontanément sur les questions d’égalité femme-homme et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il y a en effet déjà eu trois chargé.e.s de missions avant mon arrivée, qui ont activement travaillé sur ces sujets. En tant que vice-présidente en charge de l’égalité femme-homme et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, je vais pouvoir aller encore plus loin et de façon encore plus transverse, sur toutes les actions à mener. De la recherche à la formation en passant par la vie étudiante et la culture, il s’agit de se mobiliser autour de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sur l’ensemble des strates de l’Université. Recueillir et accompagner la parole des victimes dans le respect, la bienveillance et l’empathie est central dans cette démarche. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à faire évoluer notre dispositif d’écoute développé en 2017, avec la mise en place d’une cellule d’écoute supplémentaire en janvier 2025 pour les étudiantes et étudiants. Un réseau des référents et des référentes de la Commission Égalité a été formé et mobilisé au sein des UFR, UMR et services et constitue des relais privilégiés pour constituer des relais au sein de l’Université pour accueillir la parole des victimes ou témoins et les orienter vers les dispositifs existants. L’un des leviers essentiels pour faire changer les consciences, c’est aussi l’information, la formation et la sensibilisation. C’est dans ce but que nous avons mis en place un MOOC d’information et de sensibilisation sur les VSS pour tous les étudiantes et étudiants de première année, disponible depuis la rentrée 2024. Et que nous nous mobilisons fortement à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes avec l’organisation d’une série d’événements. Dorothée Guérin, Vice-présidente en charge de l’égalité femme-homme et de la lutte contre les VSS
Une série d’événements organisés par l’UBO pour informer et sensibiliser sur les violences faites aux femmes
Cette année, à partir du 21 novembre, l'UBO organise de nombreux évènements sur tout le campus de Brest pour informer, sensibiliser sur les violences faites aux femmes. Au programme : pièces de théâtre, projections de films, distribution de livres, échanges et retours d’expérience sur le MOOC de sensibilisation proposé depuis la rentrée, symposium, serious escape game…
> Le programme complet : https://www.univ-brest.fr/fr/page/25-novembre-2024
L’École universitaire de maïeutique de Brest (EUMB), composante de l’université de Bretagne Occidentale (UBO), a été créée en 2002 “nous sommes une jeune école, il y avait tout à créer, sans modèle ancien” décrit Gaëlle Delpech-Dunoyer, directrice adjointe de l’EUMB.
Chaque année, l’EUMB accueille une nouvelle promotion de 25 étudiantes, qui seront formées en 6 ans au métier de sage-femme. Ces professionnelles de santé accompagnent les femmes lors de la grossesse, pour en assurer le suivi, pratiquer l’accouchement ou accompagner les soins post-natals, mais elles accompagnent également les femmes tout au long de leur vie, que ce soit pour le suivi gynécologique de prévention ou de la contraception par exemple.
L’EUMB participe également à la formation de plus de 300 professionnels de santé chaque en proposant une offre de formations courtes et de diplôme universitaire.
En savoir + :
À Brest, l’équipe pédagogique de l’EUMB s’est engagée pour la lutte contre les violences faites aux femmes depuis de nombreuses années, en proposant des formations pratiques et théoriques et un accompagnement renforcé de ses étudiantes sur ces problématiques.
Rencontre avec Gaëlle Delpech-Dunoyer, directrice adjointe de l’EUMB, Anne Courtine, enseignante en maïeutique et Maï Le Du, maîtresse de conférences en maïeutique.
Comment est abordé la question des violences faites aux femmes à l’EUMB ?
Gaëlle Delpech-Dunoyer : c’est l’un de nos objectifs pédagogiques : légitimer la place de la sage-femme dans l’identification et la prévention des violences faites aux femmes. Ces violences, on va surtout les aborder sous l’angle des violences conjugales : est-ce que dans ce couple, la relation est inégalitaire ? Et après on va effectivement décliner les pratiques sur les violences sexuelles, les violences sexistes, etc… Cette volonté de sensibiliser et de proposer un apprentissage sur cette thématique est une spécificité brestoise.
Nous sommes arrivées à ce sujet il y a déjà environ huit ans, quand nous avons été formées dans le cadre de la mission interministérielle (MIPROF) contre les violences faites aux femmes, dont l’objectif était de former tous les acteurs des collectivités, et surtout de former les formateurs sur les sujets liés aux violences conjugales. C’est comme ça que l’école de maïeutique s'est saisie de cette problématique.
Quelles méthodes pédagogiques mettez-vous en place ? Quels accompagnement est mis en place ?
Gaëlle Delpech-Dunoyer : Nous avons mis en place une méthode de pédagogie active grâce à un jeu de rôle. Nous avons créé deux scénarios : l’un sur une femme sous emprise de son conjoint, l’autre sur une femme victime de viol. Nous avons travaillé avec une actrice qui se saisit de ces scénarios et qui intervient auprès des étudiantes. Ce jeu de rôle permet d’identifier les points de vigilance dans ces situations. Nous l’avons d’abord testé en formation continue, avec des professionnels de santé, puis auprès de nos étudiantes en formation initiale.
Maï Le Du : Dès la deuxième année d’étude en maïeutique, on propose aux étudiantes une ouverture sur les sciences humaines et sociales, avec un séminaire sur le genre, et un cours sur la place des femmes dans la société, en tirant un fil historique et avec différentes interprétations anthropologiques ou sociologiques. Sur le sujet des violences faites aux femmes, on va loin dans l’étude et l’analyse sur un plan légal, législatif et médical. On impose à des jeunes femmes d’une vingtaine d'années de réfléchir à des sujets auxquels elles ne voudraient pas forcément penser, soit parce qu’elles en sont éloignées ou au contraire parce qu’elles l’ont vécues, on peut à ce moment-là, les mettre en fragilité. L’équipe enseignante doit aussi être formée pour les accompagner, être à l’écoute de leur difficulté et les orienter vers des professionnels au besoin.
Comment prévenir les violence faites aux femmes en milieu hospitalier ?
Anne Courtine : En tant que praticiennes, nous accompagnons les femmes à chaque étape de leur vie, en gynécologie, pendant la grossesse ou après l’accouchement, et nous observons chaque jour des situations de maltraitance, qu’il est impossible d’ignorer. Dans nos enseignements, nous abordons les violences sexistes et sexuelles, en insistant sur le respect du consentement, de la pudeur et de la douleur, et sur l’importance de remettre en question l’utilité de certains examens. Parfois, en stage, les étudiantes peuvent être confrontées à différentes typologies de violence - gynécologiques, intrafamiliales ou conjugales - et nous les préparons à les reconnaître pour mieux accompagner les patientes.
On leur ouvre les yeux sur les dynamiques de violence et d'inégalité, ce qui peut entraîner une souffrance chez certaines étudiantes, mais si on ne le faisait pas, on contribuerait à reproduire ces comportements. C’est pour cela que nous les accompagnons beaucoup au retour de stage. On prend le temps d’échanger et d’analyser avec elles des situations de stage, pour favoriser la prise de conscience nécessaire à une pratique plus éthique et empathique.
Maï Le Du : C’est un véritable engagement à l’encontre de certaines pratiques. Au cours de leur formation initiale, les étudiantes sont alertées, sensibilisées, à l’importance du consentement à chaque examen. Lors des stages, les étudiantes sont parfois choquées par les réalités auxquelles elles sont confrontées. Nous abordons les violences gynécologiques et sexuelles pour les préparer, mais les stages révèlent souvent des situations difficiles, comme des jeunes femmes ayant subi des violences. Nous travaillons à déconstruire des comportements, pour encourager une relation de soin plus horizontale, avec moins de risques de reproduire ces violences. Sur ces questions, il y a un véritable engagement collectif et viscéral de toute l’équipe pédagogique. Notre motivation c’est de donner à nos étudiantes les outils pour devenir des professionnelles responsables, mais aussi des citoyennes engagées pour les femmes.
Comment continuer à former les professionnels à ces questions ?
Gaëlle Delpech-Dunoyer : l’EUMB a une offre de formation continue pour les professionnelles et propose notamment un diplôme universitaire (DU) “repérage des violences intrafamiliales et leurs conséquences, accompagnement des femmes et des enfants”. Ce DU est unique en France, nous l’avons créé avec des chercheuses et des chercheurs de différentes disciplines, en sociologie, psychologie, droit, médecine légale, mais aussi avec des professionnelles du secteur, notamment Marine Le Gallo, psychologue au commissariat de Brest et experte en psychotraumatisme, et des représentants de l’aide sociale à l’enfance. En formation, nous accueillons aussi bien des professionnels de santé, que des travailleurs sociaux, des membres de l’éducation nationale ou des professionnels de la justice.
Cette multiplicité des acteurs est une des forces du DU, la pluridisciplinarité permet de croiser les regards et d’avoir une vision complète du sujet des violences, de la grossesse à la petite enfance, mais aussi de créer un réseau de professionnels formés au service de la protection des femmes.
À l’UBO, des travaux de recherche sur les VSS sont portés par plusieurs chercheuses et chercheurs, issus de différentes unités de recherche. Cette thématique s’articule autour de plusieurs axes de recherche et disciplines, allant au-delà des violences faites aux femmes pour englober un champ plus large.
Le laboratoire d’étude et de recherche en sociologie (LABERS) se compose de 42 membres : 19 enseignants-chercheurs, 11 doctorantes et doctorants et 22 membres associés, répartis entre l’UBO et l’université de Bretagne Sud (UBS). Les recherches menées en sociologie au sein du laboratoire s’articulent autour de 2 axes structurants - “santé - vulnérabilité” et “culturalités - territoires” -, et s’organisent également autour de plusieurs thématiques transversales : travail, numérique, environnement et genre.
Plusieurs membres du LABERS mènent des travaux sur le genre, et plus particulièrement sur l’angle des violences liées au genre. C’est le cas de Marie-Laure Deroff, maîtresse de conférences, qui s’intéresse à ces questions depuis 2008 : “les premiers travaux que j’ai menés sur la question des violences s’intéressaient au sujet des violences conjugales par le prisme de l’enfant. Avec Arlette Gautier et Emilie Potin, nous avons répondu à un appel à projet de l’Observatoire national de protection de l’enfance (alors Observatoire national de l’enfance en danger), en lien avec le conseil départemental du Finistère, ce qui témoignait alors de la volonté des collectivités de prendre en compte les enfants dans les cas de violences conjugales. D’ailleurs, aujourd’hui, les enfants sont considérés comme des co-victimes et non plus seulement comme des témoins. L’objectif de cette étude était de comprendre les conditions favorisant ou freinant l'action coordonnée entre différents acteurs de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette recherche a donc été menée en deux temps : une phase d’analyse des actions menées par le Conseil départemental, acteur central de la coordination entre la protection de l'enfance et les violences conjugales, et une phase d’entretien avec des acteurs de terrain, travailleurs sociaux, représentants de la police ou de la justice, association de protection de l’enfance. Par la suite, j’ai mené une étude auprès de femmes ayant connu une situation de violence conjugale en m’intéressant à leurs parcours post-séparation, ceci en collaboration avec le CISPD (conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance) de Brest Métropole.”
D’autres travaux de recherche sont menés au LABERS sur le sujet des violences intra familiales, notamment par Pierre-Guillaume Prigent, docteur en sociologie et enseignant à l’UBO, et Gwenola Sueur, doctorante au LABERS. Pierre-Guillaume Prigent est l’auteur d’une thèse, soutenue en 2021, intitulée “Les stratégies des pères violents en contexte de séparation parentale : contrôle coercitif, complicité institutionnelle et résistance des femmes”
La thèse de Gwenola Sueur porte, elle, sur les parcours de mères victimes de violences conjugales dans les territoires ruraux. Ensemble, ils mènent une étude sur les mécanismes de violences conjugales et notamment sur les usages sociaux de l’aliénation parentale en France. Le syndrome de l’aliénation parentale est encore mal compris, mais il se définit comme une maltraitance psychologique sur un enfant dans un contexte de dispute concernant le droit de garde, souvent assorti de violence. La méthodologie mise en place par Pierre-Guillaume Prigent et Gwenola Sueur dans le cadre de cette étude comprend des entretiens avec des femmes victimes, l’analyse des jurisprudences et l’étude du traitement médiatique : “Nous avons découvert que l’aliénation parentale était mentionnée dans un contexte de contrôle coercitif, et pas seulement de violence sexuelle sur enfant, et même lorsque le concept n’était pas explicitement utilisé, ses idées sous-jacentes étaient toujours présentes.”
Résumé de la thèse de Pierre-Guillaume Prigent
“Dans cette thèse, nous étudions les stratégies que les pères violents adoptent en contexte de séparation parentale. À partir d’entretiens réalisés avec une vingtaine de femmes qui se sont séparées d’un conjoint violent avec qui elles ont eu des enfants, nous identifions les tactiques employées par les agresseurs avant, pendant et après la séparation : isolement, privation de ressources, contrôle, intimidation, dévalorisation, confusion, sur-responsabilisation et violence. Ces tactiques se cumulent, se combinent et s’entremêlent dans la stratégie visant à maintenir pouvoir et contrôle sur la femme et les enfants victimes. Les réponses sociales et institutionnelles à la violence peuvent reproduire les tactiques repérées, et relever de complicité avec l’agresseur. L’espace pour l’action des victimes, réduit lors de la relation conjugale puis étendu grâce à la séparation, est de nouveau restreint par le principe de l’autorité parentale conjointe, qui implique un maintien du lien pouvant exposer à de nouvelles violences, et soumettre les victimes à un contrôle de leurs activités quotidiennes par l’agresseur. La résistance des femmes à la violence et au contrôle post-séparation et leurs tentatives de protéger les enfants sont alors considérées comme un obstacle à la coparentalité. Les droits parentaux des victimes peuvent être réduits, voire la résidence des enfants transférée chez l’agresseur. Cette analyse souligne les résistances institutionnelles à la prise en compte des violences conjugales post-séparation dans la parentalité.”
En savoir + : https://theses.fr/2021BRES0102
Les travaux de recherche sur le thème des violences faites aux femmes ne se limitent pas à la sociologie. Christèle Fraïssé, maîtresse de conférences en psychologie sociale au LP3C (laboratoire de psychologie : cognition, comportement, communication). Ses travaux s’inscrivent dans le champ des sexualités et des genres : “je m’intéresse également aux diverses violences et discriminations vécues par les populations LGBTQI+. Dans ce cadre, je travaille sur les processus d’hétérosexisme, hétéronormativité, cissexisme et cisnormativité.”
Au Lab-LEX, le laboratoire de recherche en droit, il n’y a actuellement pas d’étude portant directement sur les VSS, mais un axe de recherche est dédié à la notion juridique de vulnérabilité. Les travaux menés par les membres de cet axe ont pour objectifs, à la fois de définir juridiquement cette notion complexe et polymorphe de vulnérabilité, mais aussi de produire une analyse des instruments juridiques spécifiques devant permettre une meilleure protection des personnes vulnérables.
“Juridiquement, être victime de violence ne signifie pas automatiquement être une personne vulnérable, mais cela peut constituer une circonstance aggravante envers l’auteur si la victime est considérée comme vulnérable selon des critères d’âge, de condition physique ou psychique, mais pas de genre. Pénalement, les violences sexistes et sexuelles n’ont aujourd’hui pas de définition juridique, il n’y a pas d’incrimination spécifique applicable, ce sont le contexte et les faits qui conduiront à la condamnation. Il existe cependant deux exceptions : le harcèlement de rue, qui est inscrit au code pénal et donne lieu à une incrimination spécifique, et la vulnérabilité économique, utilisé comme argument pour contraindre la victime à des actes sexuels. Concernant les VSS, il faut bien distinguer les différentes approches, entre la politique qui cherche à protéger les femmes, et l’approche juridique qui est plus inclusive et s’attache aux spécificités.” François-Xavier Roux-Demare, maître de conférences en droit privé et co-responsable de l’axe “Vulnérabilité” du Lab-LEX.
Que ce soit en sociologie, en psychologie, en droit ou la croisée des disciplines, l’objectif partagé des chercheuses et chercheurs est de contribuer à l’amélioration des politiques publiques et à l'accompagnement des professionnels de terrain pour la protection des victimes de violences, que ce soit dans le cadre des VSS, des violences conjugales, intrafamiliales ou de genre.
Les violences de genre : un enjeu au-delà des violences faites aux femmes
En 2021, un groupe de travail interdisciplinaire sur les violences de genre a été créé dans le cadre de l’appel à projet de la Maison des sciences de l’Homme en Bretagne (MSBH), sous la direction de Marie-Laure Deroff et Christèle Fraïssé. Les violences de genre sont définies par le conseil de l’Europe comme “tout type d’acte préjudiciable perpétré contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe, de leur genre, de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre, réels ou perçus.”
Ce groupe de travail réunit des chercheuses et chercheurs de différentes universités, mais aussi des actrices et acteurs de terrain (collectivités, associations…). Leur objectif commun est de “proposer un espace de rencontre permettant le croisement et le partage des savoirs”. L’organisation de séminaire permet notamment d’établir un dialogue entre les universitaires et les professionnels non universitaires. Plusieurs journées d’études ont également été organisées, permettant d’échanger sur un thème spécifique, notamment les violences conjugales et la place des enfants.
La prochaine journée d’étude du groupe “violence de genre” aura lieu en janvier 2025 à l’université de Rennes 2, et portera plus spécifiquement sur les auteurs de violences sexistes et sexuelles.
En savoir + : Groupe de travail "Violences de genre"
Former les professionnels de l’égalité
Cette recherche pluridisciplinaire nourrit également la formation des étudiantes et étudiants. Le master “Etude sur le genre” a été créé en 2017 par l’Université d’Angers et co-accrédité avec les Universités de Bretagne Occidentale, du Maine, de Nantes et de Rennes 2. Ce master accueille chaque année une centaine d’étudiantes et d’étudiants, et permet d’acquérir des connaissances théoriques pluridisciplinaires sur le genre et les méthodologies des sciences humaines et sociales.
En M2, une unité d’enseignement (UE) est entièrement dédiée aux violences de genre. Cette UE, dirigée par Marie-Laure Deroff, propose une approche pluridisciplinaire de la violence avec des cours de sociologie, psychologie sociale, droit, histoire et même en littérature avec une analyse de récit de femmes dans un contexte de conflit armé.
Après une première année commune, deux parcours sont proposés en deuxième année :
- le parcours “discrimination” qui correspond à un parcours professionalisant, pour former aux métiers incluant le développement d’actions ou de politiques liées à l’égalité hommes/femmes et à la lutte contre les discriminations.
- le parcours “corps et biopolitique” s’adresse surtout aux étudiantes et étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En savoir + : Master mention études sur le genre
Au Centre de simulation pour l’apprentissage des sciences de la santé (CESIM) de l’UBO, les futurs personnels soignants sont formés sur les violences faites aux femmes via un serious escape game. Objectifs : sensibiliser et faire prendre conscience de la violence faite aux femmes ; changer les représentations sur la prise en charge des femmes victimes de violence ; renforcer l’implication des professionnels de santé dans la lutte contre les violences ; faire connaître les stéréotypes de genre et les différents types de violence ; faire connaître le cycle de la violence, les mécanismes de l’emprise psychologique, le profil des victimes/des auteurs ; savoir dépister la violence, évaluer la gravité et prendre en charge les victimes (soigner, expliquer) ; connaître le cadre légal (signaler, établir un scénario d’urgence, fournir un certificat médical, etc.) ; faire connaître les partenariats possibles, pour orienter vers des propositions d’aide (associations, autorités, etc.) ; connaître la responsabilité pénale des soignants face au dépistage. Ce serious escape game est également proposé aux personnels de l’UBO dans le cadre des événements d’information et de sensibilisation proposés à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
En savoir + : Violences conjugales - Serious escape game